Rendement des réseaux d'eau potable : tenir compte des réalités locales' Ainsi, une simple enquête publiée au début du mois de novembre par un journal dominical aura suffit à placer la problématique du rendement des réseaux d'eau potable sous les feux de l'actualité. Sacrifiant à l'incontournable mode des classements et autres palmarès, sous le titre « le scandale de la distribution de l'eau », le JDD a publié une enquête « exclusive » censée révéler « l'état calamiteux des réseaux d'eau potable en France ». S?ensuit un classement basé sur les taux de rendement des réseaux publiés dans les rapports annuels sur le prix et la qualité du service public de l'eau des 57 plus grandes villes de France métropolitaine. « Du meilleur au plus mauvais élève en termes de gaspillage d'eau », sont ainsi égrenés des taux de pertes censés refléter la qualité des services d'eau des villes en question. Pour faire bonne mesure, un chiffre est même lâché : la facture de ce « scandale » s'élèverait à 2 milliards d'euros' L?information, relayée par l'AFP puis par nombre de quotidiens régionaux, fait florès. Pensez-donc ! « Un scandale aussi invisible que silencieux », des « pertes colossales enregistrées partout », un « grave problème pour l'environnement et le pouvoir d'achat », une véritable aubaine? La secrétaire d'Etat chargée de l'écologie elle-même participe à l'emballement médiatique : « Quand vous apprenez que les pertes représentent en moyenne 25% de l'eau mise en distribution en France, c'est souvent difficile à croire », explique-t-elle dans l'interview accordée au JDD, en demandant de ramener le taux de pertes à 15%, « voire moins dans les zones urbaines denses ». Sans rentrer dans le détail des calculs du JDD, arrêtons-nous un instant sur ce « palmarès édifiant ». Et d'abord, édifiant pour qui ? Une simple remise en perspective de la problématique du rendement des réseaux d'eau potable aurait suffit pour constater que le problème n?est ni nouveau, ni invisible et qu'il est pris en compte par tous les services de l'eau depuis plusieurs décennies. Une simple comparaison avec la situation de la plupart de nos voisins aurait permis de se rendre compte que les performances des services d'eau en France sont plutôt satisfaisantes, et que les gestionnaires de réseaux ont le plus souvent mené des politiques patrimoniales responsables, même s'il est exact qu'elles n?ont pas toujours été basées sur des démarches aussi systématiques et raisonnées qu'elles le sont aujourd'hui. Un approfondissement de la problématique aurait permis de constater que les facteurs qui influencent l'état des réseaux et donc leurs performances son extrêmement nombreux : caractéristiques structurelles (date de pose, matériaux utilisés, linéaire), éléments de leur environnement (nature des sols, caractéristiques chimiques de l'eau distribuée, pression de l'eau, trafic sur les chaussées'). La multiplicité de ces facteurs rend l'établissement d'un lien (a fortiori d'un classement !) entre le rendement du réseau et la qualité du service rendu, tout à fait fallacieux. Enfin, le simple bon sens montre qu'une gestion de ce patrimoine basée sur d'autres critères que le souci constant d'optimiser le rapport entre le coût et la performance du service se traduirait par des mesures coûteuses qui ne seraient pas sans impact sur le prix de l'eau, sans pour autant améliorer forcément la qualité du service. Bref, la problématique du rendement des réseaux d'eau potable, tout à fait réelle, mérite un traitement plus objectif. Les solutions qui permettent d'améliorer les rendements existent, nous nous en sommes souvent fait l'écho ici. Elles sont payantes sur le long terme dès lors qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'une démarche de management partagé entre la collectivité et le gestionnaire du réseau. Pour être efficace, cette démarche doit être basée sur un objectif local de réduction des pertes en distribution qui résulte d'un compromis entre le coût d'exploitation et du renouvellement du réseau et la garantie de la disponibilité de la ressource en eau. C?est cette démarche qui doit être explicitée, encouragée, le cas échéant évaluée, et non un simple pourcentage sorti de tout contexte.